1+1=3

Toi, moi et la relation : une trinité indissociable


Dans chaque rencontre, nous prenons le risque de la différence qui nous agrandit ou nous divise. Nous prenons le risque de nous dévoiler et d’être vu et compris dans notre singularité, ou au contraire d’être ignoré ou incompris. Aucune existence véritable ne se traverse sans rencontres, ce qui fait dire à Martin Buber « Toute vie véritable est rencontre. »  Nous sommes avant toute chose des êtres relationnels, nous rappelle Rolando Toro, créateur de la Biodanza. Et Christiane Singer d’enchérir… « Ces êtres de dialogue, de partage et de mouvance que nous sommes, vivent de la magie des rencontres, meurent de leur absence. » 

La rencontre humaine, ce précieux moment où deux êtres se « dénombrilisent » et renoncent l’espace d’un instant à l’hégémonie de leur personnalité, sème une graine dans le terreau de deux cœurs. Scette semence du lien affectif grandit, la chance est grande que les deux êtres s’engageot dans une relation significative pour eux. C’est là que notre oeuvre de jardiniers devient prépondérante. Comme le dit si bien Hélène-Jeanne Levy-Benseft, « Si les rencontres que nous faisons sont les cadeaux que nous fait la vie, les relations que nous tissons sont ceux que nous offrons en retour à la vie. »

L’étrange arithmétique de la relation

Si dans la rencontre, il y a bien deux individualités mises en présence, lorsque l’apprivoisement réciproque et l’approfondissement des liens donne lieu à des interactions de plus en plus fréquentes et complexes entre les deux personnes, une troisième « entité » prend forme : la relation. Ceci explique la formule du 1+1 = 3, illustrant le paradoxe de la dynamique relationnelle, faite de correspondances et communications bi-directionnelles.

Nous devons au psychosociologue contemporain Jacques Salomé d’avoir modélisé cette étrange arithmétique sous forme de l’écharpe relationnelle. écharpe relationnelle

Une relation suppose en effet des échanges et partages d’idées, de ressentis, d’affinités et d’émotions venant alimenter le lien au fil du temps. C’est donc bien dans la relation que se joue le grand défi de l’altérité, l’inaliénable et irréductible différence de l’Autre.

Une relation vivante, entre deux « je » vivants

Dans « Je et Tu », Martin Buber dénonce la chosification des êtres. Dans une relation « Je – Cela », l’autre est perçu comme un objet dans mon univers intrasubjectif, et je suis donc enclin à l’utiliser et le manipuler pour qu’il serve mes intérêts. Dans le « Je – Tu » surgit une vraie rencontre, qui nécessite la présence pleine de chacun. La relation existentielle  devient réciproque, totale, présente et responsable. Le « Je- Tu » ne se maîtrise pas : il est le lieu du jaillissement de l’amour vivant et permet à chacun de se découvrir comme sujet « C’est par l’autre que le Je se découvre comme conscience non réifiée», dit Buber. Et Rolando Toro : « Les racines de l’identité se nourrissent de la sève de l’autre. L’identité se renouvelle dans la multiplicité des expériences de communion avec le différent, l’étranger. » 

Qui est responsable de quoi?

Relation dialogue

Malgré les moments de communion, malgré cette infinie transcendance à laquelle nous convie l’abandon de nos frontières au contact de l’essence de l’autre, le terrain de la relation est aussi celui des multiples modes d’interaction de nos identités. « Se donner aux autres, prendre contact, se laisser absorber par les autres, s’ouvrir, ou alors mettre de la distance, décréter des espaces limités où l’autre ne peut pénétrer, éviter le contact, sont des manières différentes d’entrer en relation avec les autres », commente Rolando Toro.

100% ou 50%?

Or, les enjeux de la fusion symbiotique ou de la peur de celle-ci sont tels que la question des frontières et des responsabilités se pose tôt ou tard dans une relation. Pour reprendre le symbole de l’écharpe relationnelle, il importe de me souvenir que je suis seul·e responsable (à 100%) de mon bout de la relation, de ce que je donne, demande, refuse et reçois. Je ne suis pas responsable du bout de l’autre et n’ai pas la maîtrise de ce qu’il ou elle donne, demande, reçoit ou refuse. En revanche, ce qui m’incombe est ce que je fais de ses apports (demandes, dons, refus, accusés de réception de ce que je lui ai donné) et notamment les sentiments que j’éprouve face à son attitude.

La relation a donc deux « bouts » et chacun doit s’occuper de son bout, sinon, ce n’est plus une relation. Chacun est en même temps co-responsable de la relation, à 50/50, par sa façon de prendre soin du lien vivant, par ce qu’il ou elle injecte dans les transactions relationnelles.

Chacun, à son bout, peut Donner, Demander, Recevoir et Refuser.
Nous ne nous respectons pas nous-mêmes ou ne respectons pas l’autre lorsque nous n’osons pas donner, demander, recevoir ou refuser, ou lorsque nous tentons d’imposer, d’exiger, de prendre ou de rejeter.

Danse oppositionDans une relation écologique, apprendre à dire non est particulièrement important et nous évitera une bonne dose de frustrations par dépassement de nos propres limites.

Donner, recevoir, demander, refuser

Pourquoi réécrire ce que d’autres ont fait avant et mieux que nous? Jacques Salomé présente magnifiquement les enjeux de ces quatre démarches relationnelles que sont le donner – recevoir – demander – refuser. Allez jeter un coup d’œil sur son site. 

Ou pour les plus pressé·e·s, contentez-vous de regarder le résumé schématique ci-dessous : ce que ne sont PAS ces quatre démarches (en rouge) et ensuite ce qu’elles sont (en vert).

Demander Donner Recevoir Refuser Contre-exemples
Demander Donner Recevoir Refuser Amplification

Danser la relation

La Biodanza est un système visant à faire croître de façon intégrée et intégrante les potentiels physiologique et sensitif, créatif, affectif -relationnel, et transcendant de chaque être humain.

Transformer la méfiance, la peur de l’intimité et les relations de pouvoir caractérisant notre époque en relations authentiques, respectueuses des limites et désirs de chacun, n’est possible qu’à partir de l’expérience vécue, ou vivencia. La musique, le mouvement vivenciel (non mentalisé) et la présence bienveillante du groupe nous permettent de goûter et d’approfondir une connexion authentique à nous-même, à l’autre et à tout le vivant.

L’écologie humaine ou relationnelle

L’écologie humaine naît du tissage des relations que les êtres humains entretiennent entre eux. Nous, êtres humains, sommes les écofacteurs les plus puissants qui existent car nos relations s’établissent à tous les niveaux : organique, vivenciel et cognitif.

Relation BiodanzaLorsque deux personnes se rencontrent, les potentialités génétiques respectives se stimulent ou s’inhibent réciproquement.  Certains potentiels ont  pu être bloqués au cours de l’existence et ne s’expriment peu ou pas du tout car le milieu n’a pas été favorable à leur  émergence.

Une vivencia de Biodanza possède un fort pouvoir réorganisateur et peut être vue comme un « bombardement » de stimulations positives qui activent toutes nos fonctions, nous invitant à exprimer au maximum notre identité tout en accueillant celle de l’autre. Cela donne lieu à une sorte de fécondation réciproque desdits potentiels, ouvrant de nouvelles portes existentielles sur des relations vivantes, écologiques, et porteuses de sens.

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