Et si rien n’était ordinaire ? Et si ce que nous appelons ordinaire n’était que de l’extra-ordinaire auquel nous sommes devenus sourds et aveugles ?
C’est le constat que fait Rolando Toro : nous ne savons plus regarder, nous ne savons plus écouter, et surtout, nous avons perdu les voies du sentir, de la sensibilité !
C’est comme si cette insensibilisation progressive nous avait rendus ignorants et tristes, car c’est triste de vivre dans un monde dont on ne voit plus la beauté, c’est triste d’avoir perdu l’innocence et la magie de notre enfant intérieur, non ?
Quand je suis aveugle à la merveille, sourde au miracle de vivre, tout devient absurde. D’ailleurs, dans «absurde» on entend «sourd, surdité». Il est urgentissime de retrouver notre connexion au merveilleux au jour le jour, sinon l’absurdité et l’insignifiance nous guettent.
🔍 Alors regardons ensemble comment l’humain post-moderne occidental en est arrivé là, et comment la Biodanza peut tracer un chemin de l’insignifiance généralisée à l’art de transfigurer le quotidien.
Quand notre perception s’émousse…
Nous perdons le sens du merveilleux non pas d’un jour à l’autre, mais de façon insidieuse, par une forme d’engourdissement des sens et de perte de contact avec notre véritable idendité.
3 grandes tendances contribuent à cette anesthésie progressive :
- la rigidification de l’ego : par peur de sentir et de souffrir, notre égo met en place un système de défense qui fait appel à la fermeture, à l’hyper-contrôle, au jugement … Le corps devient plus tendu, plus raide, les émotions sont contenues et les canaux sensoriels et intuitifs s’obstruent progressivement.
- les blocages affectifs : les émotions sont engourdies, figées, les affects sont inhibés, le cœur se barricade, il n’y a plus de vraie rencontre ni relation.
- la déprime ou la dépression : quand le regard s’éteint, tout devient terne et opaque ; on perd le lien avec la beauté, le désir, la saveur des choses. Le corps est lourd. Le mental vit dans un passé négatif et dans un avenir sans issue, plus dans le présent.
Se re-sensibiliser…
La Biodanza agit avec douceur pour nous sortir progressivement de l’anesthésie sensitive et affective, et permettre ainsi un rapport à soi et au monde plus sensible.
Des danses spécifiques auront pour effet d’assouplir les cuirasses, de dissoudre les tensions et fluidifier les rigidités. Petit à petit, nous découvrons ou retrouvons le plaisir des mouvements lents et sensibles, en connexion profonde avec nous-mêmes.
Les exercices de communication non verbale et les rencontres ont pour effet de rouvrir les canaux de l’affectivité. Au fil des semaines de cours hebdomadaires, nous retrouvons un regard pur et innocent qui nous ouvre de nouvelles perspectives sur le monde. À partir de notre propre lumière, nous commençons à voir l’enfant divin dans le regard de l’autre.
La Vie en elle-même est sacrée
La Biodanza secoue. Elle secoue nos certitudes, nos habitudes nécrosées, nos anesthésies.
Quand nous commençons la Biodanza et que nous entrons en « vivencia » (cette plongée intense dans l’expérience immédiate), nous découvrons que jusque-là, on nous avait menti…
On nous a menti en nous faisant croire qu’il y avait des ESPACES sacrés et des espaces profanes : chaque lieu est sacré dès lors que nous l’habitons de notre présence ouverte, aimante, généreuse.
On nous a menti en nous disant qu’il y a des TEMPS sacrés (ceux des liturgies) et des temps profanes, qu’il y a le quotidien d’une part, qui est banal et sans intérêt, et l’éternel d’autre part, qui est sublime et hors du commun. En Biodanza, nous découvrons Kairos, le temps vécu pleinement dans l’intensité de l’ici et maintenant (opposé au temps linéaire et abstrait des horloges, Chronos). Et petit à petit, une fois rentrés chez nous, nous nous apercevons que chaque geste quotidien, comme manger, se laver, travailler, sont des gestes éternels car ils n’existent que dans l’instant. Chaque geste est fait ici et maintenant et pour toujours.
Et surtout, on nous a menti en nous faisant croire qu’il y a des ACTES sacrés et d’autres profanes, des parties de nous sacrées et d’autres vulgaires. Et ce mensonge civilisationnel est grave, vous savez pourquoi ?
Parce que la désacralisation de la Vie mène à une désacralisation de tout le vivant, et donc aussi de « notre » vie individuelle. Et nous devenons de plus en plus insignifiants à nos propres yeux, et les autres humains aussi, et cela ouvre la porte à tous les drames individuels et collectifs.
Écoutez avec moi résonner la voix de Rolando Toro quand il nous dit :
« Je crois que l’expression de la vie qui anime chaque créature est la plus grande des hiérophanies. »
Honorer la vie, c’est entrer dans le mystère du sacré ici et maintenant. Pas demain, pas dimanche.
La danse de la Vie, c’est partout et tout le temps, pas uniquement quand je suis en train de danser !!!
Le sacré est partout où la Vie se manifeste. Dans ce qui peut nous sembler « petit » comme dans ce que nous trouvons « grand ».
Les 3D ne sont pas une fatalité
A un niveau sociétal, nous sommes donc à l’ère des 3D : Désenchantement, Dissociations et Désacralisation.
1. Désenchantement
Nous venons de l’évoquer : c’est la perte du sens du merveilleux liée à l’anesthésie généralisée, aux cœurs fermés, à la déprime. Ce grand « bof », que d’aucuns appellent « l’à-quoi-bonisme », suinte de partout. Souvenez-vous de cette chanson culte des années 90 : Désenchantée, de Mylène Farmer.
Alors on nous vend de la merveille en plastique made in China , on nous divertit à coup de télé-réalités, de séries violentes, de films à l’eau de rose ; on nous fait croire que l’argent, la gloire et le pouvoir vont nous rendre heureux ! Adieu la pure merveille de se sentir vivant dans un univers vivant.
Et pourtant, comme le dit le poète Christian Bobin, qui a le chic pour réenchanter notre regard :
« Le bout du monde et le fond du jardin contiennent la même quantité de merveilles. »
Que faire alors ?
Réapprendre à voir la beauté en soi, en l’autre, en tout (c’est la perception esthétique que nous cultivons en Biodanza !), s’émerveiller d’un rien comme les enfants, retrouver une vision poétique de la vie, invoquer l’archétype de l’ange au-dedans de nous,…
2. Dissociations culturelles et religieuses
D’abord on sépare, on scinde, on divise. La première brisure fatale est d’avoir séparé le corps et l’âme. Voilà le véritable exil du paradis.
Puis toutes les autres qui ont suivi : le charnel >< le spirituel, le cœur>< l’intelligence, la nature >< la culture, l’individu >< l’espèce, le masculin >< le féminin, le quotidien >< l’éternel, et bien sûr le sacré >< le profane !
Ces dissociations nous rendent chaque fois plus petits et insignifiants. Peu importe dès lors que nous nous entretuions par milliers, puisque nous ne sommes rien !
Que faire alors ?
Nous re-lier, nous ré-unifier. Faire émerger l’ « humain éternel » en nous, car il permet de rassembler, d’intégrer, de dépasser ces dissociations, … C’est ce que proposent les lignes d’Affectivité et de Transcendance en Biodanza.
3. Désacralisation
Vous l’avez compris : la désacralisation de la Vie et du vivant fait bien plus qu’ôter à notre propre existence sa valeur, son unicité, sa grandeur.
Elle ouvre la porte à la violence et à la destruction massive de la vie de toutes les façons possibles et imaginables : guerres, génocides, écocide, suicides, …. Elle mène aussi au transhumanisme ou la glorification de l’homme-machine, alors que Rolando Toro nous parlait de transhumanisation, qui est l’auto-divinisation de l’homme !
Que faire alors?
Protéger la vie sous toutes ses formes; exalter la puissance de la vie plutôt que le pouvoir de l’ego, par l’art ou de n’importe quelle autre façon; libérer la lumière réprimée au fond de chaque être humain, nous-mêmes y compris.
Notre thème annuel : Transfigurer le Quotidien
Au-delà de toute connotation religieuse, la transfiguration est une transformation du regard et une amplification de la perception. C’est l’art de révéler la beauté cachée dans ce qui semble ordinaire, de vivre le quotidien comme un espace d’émerveillement et de célébration.
Transfigurer sa vie, c’est élever la qualité de son expérience, pour goûter à une existence riche, vibrante et pleine de sens.
C’est une révélation de la poésie intrinsèque inhérente aux actes du quotidien.
L’extra-ordinaire n’a pas besoin d’être recherché dans des sports extrêmes qui peuvent mettre la vie en danger, ni dans l’utilisation de substances qui altèrent notre perception, ni dans des addictions qui peuvent nous être fatales…
Il est là, présent, sous l’apparence ordinaire de ce qui vient à nous.
Comme dans les contes de fées…
Le CNRTL définit la transfiguration comme une « transformation d’une personne humaine dont la physionomie, l’expression prennent un éclat, un rayonnement inhabituels ». Le sujet reste fondamentalement le même, mais apparaît intensifié, sublimé.
C’est d’ailleurs ce qui distingue la transfiguration de la métamorphose où intervient un changement de forme ou de nature si important que l’être ou la chose qui en est l’objet n’est plus reconnaissable.
Les protagonistes de nombreux contes de fées vivent des transfigurations.
Souvenez-vous de Cendrillon, par exemple. Lorsqu’elle revêt sa robe de bal brillante, ce n’est pas une métamorphose physique, mais un rayonnement inattendu par lequel elle révèle sa nature lumineuse. Même chose avec Peau d’Âne lorsqu’elle enlève sa fourrure animale et apparaît dans la splendeur de sa robe couleur Soleil. Le Prince est est littéralement ébloui.
Transfigurés dans les 5 lignes de notre identité
Par la danse, grâce à la musique et à la présence bienveillante de mes compagnons, je me révèle à moi-même et au monde.
Je me révèle dans toutes les nuances de mon identité, qui peut chatoyer avec une intensité nouvelle une fois les masques déposés.
Voici quelques exemples de possibles transfigurations du quotidien dans chaque famille de potentiels identitaires déployés en Biodanza.
1. Dans la ligne de Vitalité…
…je regagne énergie et enthousiasme dans ma vie de tous les jours, des gestes auparavant banals deviennent sources d’énergie et de joie, j’apprends à habiter mon corps même dans les routines quotidiennes, …
2. Dans la ligne de Sexualité…
…je savoure la joie simple du corps en mouvement et de ses sensations, mon rapport au plaisir se transforme, je goûte la sensualité discrète du quotidien dans le simple (marcher, respirer, m’étirer,…).
3. Dans la ligne de Créativité…
…je réinvente ma façon d’habiter le monde, je transformer la répétition en espace d’invention , introduisant de la fantaisie et de la poésie dans mes routines. Chaque jour peut dès lors devenir un champ d’exploration infini !
4. Dans la ligne d’Affectivité…
…des rencontres ordinaires s’auréolent d’une lumière inattendue, j’apprendre à voir les autres avec un regard neuf, tendre et reconnaissant, je laisse la meilleure partie de moi entrer en lien avec le meilleur de l’autre, ce qui illumine mes relations.
5. Dans la ligne de Transcendance…
L’ordinaire devient un seuil vers l’extra-ordinaire. Je reconnais le sacré dans le simple, et je me surprends à faire de mon quotidien une célébration du vivant, avec un émerveillement toujours renouvelé.
En conclusion
Si la Biodanza est parfois appelée « la poétique de la rencontre humaine », il ne suffit pas de cultiver cette poésie lors de nos séances de Biodanza. Il s’agit de poétiser notre rapport à la Vie, à nous-même et à ceux qui nous entourent.
Cette vie ordinaire est pleine de miracles que nous ne voyons plus.
Par la danse, nous apprenons à illuminer notre regard, à révéler la splendeur cachée de chaque geste, de chaque rencontre.
A célébrer «… la grande cérémonie de la vie, transcendante en elle-même ». (Rolando Toro)
Je vous propose une année dansante pour faire de nos quotidiens le lieu d’inspiration, de resplendissement et de jubilation par excellence.
Toutes les informations sur nos ateliers hebdomadaires de Biodanza à Boitsfort et Auderghem se trouvent ici.
Si tu veux nous rejoindre pour une découverte (groupe d’initiation) ou pour poursuivre ton parcours de Biodanza (groupe d’approfondissement), contacte-moi vie le formulaire ici!
